Extrait de Mario CAMPANA

Mario Campaña
Avant ils arrivaient en train
Nouvelles traduites de l’espagnol (Équateur) par Françoise Garnier
ISBN 978 2 911686 82 5
232 p
15 €
2012

Pedro le boiteux

Il y a des gens qui vont toujours en ligne droite. Ils partent de A et arrivent à B sans s’arrêter, pas même aux carrefours, et sans jamais changer de chemin. Et il y a, par contre, des vies dont le parcours zigzague diablement, suivant des itinéraires que, de loin, personne ne parvient à déchiffrer, à associer à une figure particulière, tant leur tracé est confus. Quand j’ai essayé de faire des esquisses à partir des lignes de ma vie, je me suis senti envahi par une sensation d’impuissance : les ressources iconographiques sont insuffisantes ou exagérément précises pour que je puisse en tracer une figure identifiable. En y repensant, je suis retombé sur un indescriptible trajet qu’à différentes reprises j’ai dû parcourir pendant mon enfance et de là sur certaines histoires et personnages qui peu à peu s’effaçaient de mon esprit.

El cojo Pedro

Hay gente que llega siempre en línea recta. Salen de A y llegan a B sin detenerse, ni en las bocacalles, y sin torcer nunca su camino. Y hay, en cambio, vidas cuyos recorridos hacen un zigzagueo de los diablos, siguiendo rutas que, desde lejos, nadie acierta a reconocer, a asociar con una figura determinada : tan confuso es su trazo. Cuando he intentado hacer bosquejos con las líneas de mi vida, me he sentido embargado por una sensación de impotencia : los recursos de la iconografía son demasiado pobres, o excesivamente precisos, para que yo alcance a hacer con ellos una figura reconocible. Pensando en esto fui a parar hace poco a cierto indescriptible trayecto que una y otra vez debí hacer en mi infancia, y desde allí a ciertas historias y personajes que poco a poco se han ido disolviendo en mi mente.