Extrait Marosa DI GIORGIO

Marosa DI GIORGIO
Missels
traduit de l’espagnol (Uruguay) par Gabriel Saad
ISBN 2-903945-97-7
1994
15 €


Messe Pascale

Un chien-renard apparut et il entra dans la ronde. Il avait un long museau ; il trotta un peu et il vola un œuf de ceux qui étaient sur le rebord de la fenêtre, pour offrir. Il l’emporta en le tenant dans la gueule, mais sans serrer les dents. Il revint en chercher un autre, et un autre encore. Il les emportait et il revenait dans le noir, juste avant l’aube. Il travaillait prudemment avec son long museau, humide et effilé comme un phallus. C’est ainsi qu’il emportait – mais où ? – les œufs de Pâques, qui étaient de plusieurs couleurs. Blancs, ceux des poules ordinaires. Gris, en pointillé, très fins, la plupart ; à l’intérieur – on le suit parce qu’un œuf se cassa – il y avait des gazes et une couche de crème. Et les œufs rouges de toujours, les plus éloquents.
Le chien rencontra une poule, qui s’effraya et resta figée sur place. Il lui dit, en lui faisant voir toute sa gueule, jusqu’au fond, jusqu’à ses molaires facettées : donne-moi un œuf ! La poule écarta un peu les pattes et en laissa tomber un qui s’écrasa par terre. Morte de peur, pétrifiée au point d’être devenue presque l’effigie d’elle-même, elle pensa, elle conçut avec sa mentalité spécifique de poule un autre, beau ; elle se coucha, morte de frayeur, et le donna. Il était très beau, blanc, avec une amande plantée dessus. On aurait dit un bijou, et une glace, aussi. Le chien se rapprocha. La poule s’envola, elle resta immobile dans l’air, volant sans voler, toujours morte de peur. Le chien goûta au produit. Il constata qu’il était excellent, mangea tout, l’amande et ce qu’il y avait dedans comme la pépite d’une confiserie exquise. Cela avait un goût ! Il prit un air plus doux, il se pourlécha les babines, il referma les mâchoires ; il ne laissa voir qu’une partie de sa gueule qui souriait comme s’il disait : Donne-moi un autre de ceux-là, quel délice ! Ceux-là, je ne les emporte pas, je me les mange .
traduit de l’espagnol (Uruguay) par Gabriel Saad
Misa De Pascua

Salió un perro zorro y vino al ruedo. Tenía el hocico largo ; trotó un poco y robó un huevo de los que estaban en la ventana de regalo. Lo llevaba entre los dientes sin apretar. Volvió por otro y otro. Los llevaba y volvía en la hora oscura del alba. Trabajando cautelosamente, con el hocico largo y húmedo y humectante como un palo y como un falo. Se llevaba así —adónde— los huevos de Pascua, que eran de diversos colores. Blancos, de gallinas corrientes. Grises con puntillo, muy finos, de los más ; dentro, porque se quebró uno, había gasas y una capa de crema. Y los huevos rojos de siempre, los más elocuentes.
El perro tuvo un enfrentamiento con una gallina, que se asustó y quedó tiesa. Le decía mostrando las fauces hasta el fondo, las muelas facetadas : Dame un huevo. La gallina abrió un poco las piernas y echó uno que se partió en el piso. Muerta de terror, casi convertida en efigie, pensó, diseñó, con su mentalidad específica, otro, bello ; se echó muerta de espanto lo dio. Era hermoso, blanco, con una almendra hincada. Parecía una joya y un helado. El perro se acercó. La gallina voló, quedó parada en el aire, volando sin volar, siempre muerta de miedo. El perro probó el producto. Vio que era óptimo. comió todo. la almendra y lo interior como una pepita de yema. ¡Qué sabor ! Su cara quedó dulce, se relamía, cerró las fauces, mostraba sólo una parte de la boca que sonreía como diciendo : Dame otro ; de esto ¡qué hermosura ! de esto no llevo, como yo.