Extrait Rosita COPIOLI

Rosita COPIOLI
Odyssée au miroir de Saint-Nazaire
traduit de l’italien par Jean-Yves Masson
ISBN 2-903945-25-X
1996
11 €

POURQUOI UNE ODYSSÉE ?

I

La première impression de Saint-Nazaire, liée au bonheur d’être dans un port de mer, a été celle d’une Odyssée contemporaine. Il y avait là les éléments maritimes et légendaires, l’aventure de la « petite Californie » et sa destruction, la renaissance ex novo, et la présence, sur le port, de cyclopes de fer et de ciment à demi aveugles, semblables à Polyphème aux nombreuses paroles indéchiffrables. Il y avait les traces du voyage, qui remplaçaient celles d’une histoire à demi détruite, occultée, invisible : le voyage et sa fluidité, le départ pour la mer, l’étendue de la soif océanique, la nécessité de la métamorphose, les souvenirs et le mélange des vies, les angoisses et les nostalgies des lieux, l’expérience du mouvement et le besoin de terre ferme, le pays des Lestrygons et les Sirènes, et Circé, et l’île des Phéaciens, une Troie détruite, une Ithaque à reconquérir. Il y avait la distance qui séparait du « poème de la force », cette Iliade dont la base de sous-marins, et peut-être aussi la puissance mécanique et technologique des chantiers navals, constituaient le mémento. Il y avait surtout, à ce qu’il me semblait, un rêve secret : comme l’utopie d’une paix, d’un bonheur de Paradis terrestre - le rêve de Stavroguine -qui affleurait dans les solidarités amicales de cette nouvelle Ithaque. Une petite patrie curieuse, dont chaque habitant conservait les parfums, les gestes et les histoires d’autres patries : pensées, paroles, visages, mains, comme des flots fixés pour un moment sur la toile d’une tapisserie nouvelle. Une tapisserie où il fallait respecter fils et trames, chercher avec soin les couleurs, dessiner des histoires mémorables.

traduit de l’italien par Jean-Yves Masson

PERCHE ?

I

La prima impressione di Saint-Nazaire, legata alla felicità di essere in un porto di mare, è stata quella di un’Odissea contemporanea. C’erano gli elementi marinari e favolosi, l’avventura della « piccola California » e la sua distruzione, la rinascita ex novo e la presenza, sul porto, di ciclopi semiciechi in ferro e cemento, simili a Polifemi dalle molte parole indecifrabili. C’erano le tracce del viaggio, che sostituivano quelle di una storia semidistrutta, occultata, invisibile : il viaggio e la sua fluidità, l’andare per mare, la vastità della sete oceanica, la necessità di metamorfosi, i ricordi e la mescolanza delle vite, le angosce e le nostalgie dei luoghi, l’esperienza del movimento e il bisogno di terraferma, il paese dei Lestrigoni e le Sirene e Circe e l’isola dei Feaci, una Troia distrutta, un’Itaca da riguadagnare. C’era la distanza dal « poema della forza », l’Iliade di cui restava un memento nella base sottomarina, e forse anche nella potenza meccanica e tecnologica dei cantieri navali. C’era, così mi sembrava, soprattutto un sogno segreto : come l’utopia di una pace, di una felicità di Paradiso terrestre - il sogno di Stavroghin - che affiorava nelle amicizie solidali di questa nuova Itaca. Una piccola patria curiosa, dove ogni abitante serbava profumi e gesti e storie di altre patrie : pensieri, parole, volti, mani, come onde fermate per un attimo sulla tela di un arazzo nuovo. Un arazzo dove occorreva rispettare fili e trame, cercare con cura i colori, disegnare storie memorabili.