Extrait Gerd-Peter EIGNER

Gerd-Peter EIGNER
Rives, rivages, la mer
traduit de l’allemand par Valérie de Daran
Préface de Hans Christoph Buch
ISBN 2-911686-35-7
2005
15 €

II

Demande connaissais-je quelqu’un qui puisse écrire sur l’Elbe, l’Elbe au sens large, pas de consigne précise, tout était possible – reportage, réflexions, considérations littéraires –, et c’est comme un phénomène d’implosion eidétique qui frappe au-dessus de ma tête. Le nom devient image, et l’image monte des eaux où confluent les époques et les lieux décisifs d’une vie. J’avais ignoré qu’il existait un fleuve que je puisse appeler mien. Immergé dans son cours supérieur, je me vois, à douze années de là, sortir de ses eaux, plus très loin de son embouchure.

Hambourg, 1957, quartier Saint Pauli. Un garçon, quinze ans environ, celui qui vient de se rendre coupable d’avoir brisé la confiance (pour s’infliger une initiation), ce garçon enfile les nuits blanches. Ce lundi matin, à sept heures, il a quitté sa mère et sa petite ville sur la Mer du Nord, à deux cents kilomètres de là, pour plonger, pour disparaître enfin, disparaître à sa manière. À Hambourg, il rendrait visite à Madame Drong, avait-il dit à sa mère, Sierichstraße à Hambourg, comme ils l’avaient fait ensemble l’année d’avant, sa mère, sa sœur et lui. Mais il n’en a nullement l’intention. Au lieu de cela, il dérive dans la grande ville, et dès le début, dans les quartiers où cette ville lui apparaît dans son énormité la plus écrasante. Il dérive au fil des gens, dans l’éclat des lumières et des visages, il assouvit son avidité. Son avidité de voir. De tout tirer à lui, de tout s’incorporer.

traduit de l’allemand par Valérie de Daran

II

Gefragt, ob ich nicht jemanden wüßte, der etwas über die Elbe schreiben könnte, die Elbe im weitesten Sinne, Vorgaben keine, alles sei möglich zwischen Reportage, Reflexion, literarischer Betrachtung, schlägt es wie in einem Akt eidetischer Implosion über mir zusammen. Der Name wird Bild, und das Bild zeigt ein Gewässer, in dem entscheidende Zeiten und Orte eines Lebens Ineinanderfließen. Ich hatte gar nicht gewußt, daß es einen Fluß gibt, den ich den meinen nennen könnte. Eingetaucht in seinen oberen Lauf, sehe ich, wie ich mit zwölf Jahren Verzögerung, nicht mehr sehr weit entfernt von seiner Mündung, dem Gewässer entsteige.

Hamburg, 1957. St. Pauli. Ein Junge, etwa fünfzehn Jahre alt, jener, der sich gerade erst eines Vertrauens-Bruchs schuldig gemacht hat (um eine Initiation an sich selbst zu vollziehen), schlägt sich die Nächte um die Ohren. Er hat sich am Montagmorgen um sieben von der Mutter in der 200 Kilometer entfernten kleineren Stadt an der Nordsee verabschiedet, um abzutauchen : nun allerdings abzutauchen auf seine Weise. Er werde Frau Drong in Hamburg besuchen fahren, hat er der Mutter gesagt, in der Sierichstraße in Hamburg, so wie sie, Mutter, Schwester und er, es im Jahr zuvor gemeinsam getan hauen. Nichts dergleichen aber hat er vor. Statt dessen läßt er sich in der großen Stadt und von vornherein dort, wo sie ihm am überwältigendsten als große Stadt erscheint, treiben. Er treibt im Strom der Menschen, im Glanz der Lichter und Gesichter, er stillt seine Gier. Seine Gier ist : zu sehen. Alles an sich zu reißen und sich einzuverleiben.