Extrait Daniela FISCHEROVA

Daniela FISCHEROVA
Fantomima
traduit du tchèque par Ginette Volf-Philippot
ISBN 2-903945-72-1
1995
18 €


Entre le Conteur. C’est un homme que son charisme désignait pour ce rôle. Il émane de sa personne une grande dignité naturelle. Il porte un grand livre. Il pose un doigt sur ses lèvres. On entend dans le silence un faible battement arythmique qui s’amplifie, occupe l’espace sonore du théâtre puis cesse. De quelques gestes rituels, le Conteur ouvre l’espace du jeu.

LE CONTEUR. — Loué soit le corps, terre du réel. Il est mortel et il se tait. Loué soit le verbe, ciel de l’existence. Il n’est pas mortel et il parle. Louée soit la parabole qui les unit comme un pont. Le verbe y devient corps et le corps destin.

Geste. —Brusquement, par des bruits et des changements d’éclairages, apparaissent deux fantômes. Oscar est suspendu à une potence, Annette est assise sur un fauteuil roulant. Ils sont nus et paraissent monstrueux. Le Conteur ne les regarde pas.

LE CONTEUR. — Et vous aussi, ni vivants ni inertes, soyez loués. Vous les inutiles et les abusés, vous les remplaçables et les interchangeables. Vous les exclus du dernier cercle des prodiges. Vous les déçus, vous les trompés, vous les sans but et les sans joie, les laissés-pour-compte et les mal-aimés. Vous qui vivez en disant : Ce n’est pas une vie, mais qui avez peur de mourir, car là où il n’y a pas de vie, la mort elle-même n’a pas de sens.

Geste. — Le fauteuil dans lequel Annette est assise se retourne. Le Conteur impose le livre sur son front, sur sa bouche et sur sa poitrine. Puis il gagne sa place : un pupitre de régie sur l’avant-scène. Il s’y assied, face au public, et allume sa petite lampe.
Le fauteuil se retourne vers le public. Anna y est assise portant le masque d’Annette. Au-dessus d’elle se balance un nœud coulant. Anna descend maladroitement du fauteuil et passe la tête dans le nœud coulant. Elle se balance sur une seule jambe puis s’immobilise. Le Conteur ouvre le livre et, un emblématique marteau de juge à la main, frappe un coup.

LE CONTEUR. —Premier tableau. L’Immortelle Anna se meurt !

Il éteint sa lampe.

traduit du tchèque par Ginette Volf-Philippot

Vejde Čtec. Je to muž s charismatickou způsobilostí k této roli, vyzařuje přirozenou důstojnost. Nese velkou knihu. Položi prst na rty. V tichu je slyšet slabé arytmické tůkání. Sílí, naplní prostor divadla a tichne. Čtec obřadními gesty otevírá prostor hry.

ČTEC : Chvála tělu, zemi skutečnosti. Je smrtelné a mlčí. Chvála slovu, nebi skutečnosti. Není smrtelné a mluví. Chvála podobenství, jež je mostem mezi nimi. Slovo je na něm učiněno tělem a tělo osudem.

Gesto : S údernou náhlostí — s hluky a změnou světel — se objeví dva fantómy. Na háku visí oskar, anka sedí na invalidním vozíku. Jsou nazí a působí obludně. Čtec se k nim neotočí.

ČTEC : A chvála vám, kdo nejste živí ani neživí. Vy marní a vy zneužití, vy náhradní a nahraditelní. Vy vystrčení z třinácté komnaty kouzel. Vy zklamaní, vy obeihaní. Vy bez cíle a bez radosti, vy opomenutí a nemilovaní. Vy kdo žijete říkajíce : To není žádný život, ale máte strach zemiřít, nebot’ kde není život, nemá smysl ani smrt.

Gesto : Oskar zmizí vozí s ankou se otočí zády. Čtec si přiloží knihu na čelo, ústa a hrud’. Pak přejde na své místo : má v popředí režijní stolek, kam usedne tváří do publika a rozsvítí si lampičku.
Vozík se otočí k nám. Je v něm Anna v masce anky, nad ní se houpe oprátka. Anna nešikovně leze na vozík, strčí hlavu do oprátky. Balancuje na jedné noze. Strne. Čtec otevře knihu, udeří soudcovským kladívkem.

ČTEC : Obraz jedna. Nesmrtelná Anna umírá !

Zhasne lampičku.