Extrait revue meet n°03

San Salvador / Tbilissi

HORACIO CASTELLANOS MOYA

Un petit carnet de notes

Je suis photographe. J’ai un petit studio et mes clients sont essentiellement les habitants du quartier. Je gagne ma vie avec les baptêmes, premières communions, fiançailles et mariages.
C’est justement lors du mariage d’un habitant du quartier que j’ai fait la connaissance de Serafin.
Ma femme me l’a présenté : il était rougeaud, trapu et volubile. Tandis qu’elle mangeait son dessert, lui levait le coude, il venait tout comme moi d’une province dont je préfère taire le nom. Il déclara qu’il était écrivain, et sur le point de terminer un roman qui le rendrait célèbre. Il m’interrogea sur mes goûts. Je lui répondis que je ne lisais que le journal et les magazines sportifs, que je n’avais jamais fait de photos d’art ou de presse.

Traduit de l’espagnol (El Salvador) par Françoise Garnier.

Una pequeña libreta de apuntes

Soy fotógrafo. Tengo un pequeño estudio ; mis clientes son, en su mayoría, parroquianos del barrio. Con bautizos, primeras comuniones, fiestas rosas y bodas, me gano el sustento. A Serafin lo conocí precisamente en la boda de un conocido del barrio.
Me lo presentó mi mujer : era rosetón, rechoncho y locuaz. Ella comía pastel mientras él empinaba el code ; procedía, al igual que yo, de una provincia de la que prefiero no mencionar el nombre. Dijo que era escritor, estaba a punto de terminar una novela que lo haría famoso. Preguntó sobre mis gustos. Le respondí que yo sólo leía periódicos y revistas deportivas, que nunca había ejercido la fotografia artística o periodística.


AKA MORCHILADZE

Voyage au Karabagh

C’est à la fin du mois de février que tout commença.
Ici, c’était la guerre, ou ce qu’on appelle comme ça – quand il a foutu le camp etc... bref, toutes ces histoires ne m’intéressaient déjà pas à l’époque, maintenant encore moins. C’était la fin du mois de février, et Gogliko me rabâchait les oreilles « allons-y, allons-y, on prend l’argent d’Atchiko Quipiani, et on y va... » J’avais la flemme. Et puis, se trimballer sur les routes, cet hiver-là... À quoi bon partir ? En plus il n avait pas d’essence. Mais il ne me laissait pas tranquille, « tu portes chance, qu’il disait, on y va, on ramène la marchandise, et on a du shit gratuit jusqu’à l’automne ».
Je n’en voulais pas. Ça fait déjà un bout de temps que je n’en veux plus. Ça me fait envie quatre ou cinq fois par an tout au plus. « Qu’est-ce que tu as à m’entraîner, je ne suis plus un gamin. » « Vas-y et rapportes-en, après tu raconteras à tout le monde que tu t’es procuré de la dope à Gandja, vrai, à Gandja. Amène-moi là-bas, amène-moi là-bas », me rabâchait-il. En plus, il ne sait pas jacter, Gogliko, qu’il aille se faire voir. Le soir, le voilà qui revient avec Quipiani. Il est grand comme un bison, Quipiani, il a même besoin de deux écharpes pour s’enrouler autour du cou. Il tripote un chapelet.

Traduit du géorgien par Silvia Serrano.