Extrait Loire & Ocean

L’appel de Noirmoutier
Jean Rolin

Le long du couloir, comme je devais le constater par la suite, étaient disposés à intervalles réguliers, sur trois tables basses, des numéros anciens, mais renouvelés chaque jour, d’un magazine féminin dont la patronne de l’hôtel possédait manifestement une collection très fournie. La chambre elle-même donnait par deux fenêtres sur le toit plat et cimenté d’une salle de restaurant aménagée au niveau de la réception, contiguë à celle-ci, et, pour le reste, inaccessible en cette saison : car les faits que je vais rapporter se produisirent au début d’un printemps pluvieux – au moins sur le littoral atlantique –, dans les premières années du XXIe siècle. Plus précisément, au moment où un mouvement social d’amplitude moyenne, mais d’une remarquable opiniâtreté, mis en branle par un projet de loi apparemment anodin, semblait devoir entraîner non seulement la faillite du gouvernement, mais celle de tout le système politique mis en place près d’un demi-siècle auparavant, et connu sous le nom de Ve République (tout du moins était-ce l’analyse que je faisais alors de ces péripéties, analyse qui était à l’origine, comme on le verra, de ma présence hors saison dans un hôtel discret de l’île de Noirmoutier). Par-dessus le toit plat et cimenté de la salle de restaurant, ce soir-là, la cime d’un mimosa oscillait sur un rythme de plus en plus rapide. Le mimosa était en fleurs. Et si sa cime oscillait sur un rythme de plus en plus rapide – sa cime toute duveteuse et couleur de poussin d’un jour – c’était que le vent qui soufflait de la mer, quant à lui, fraîchissait régulièrement, communiquant à l’ensemble du paysage, ou du moins à ses éléments les plus mobiles, une agitation dramatique (agitation de même nature que celle qui présida, s’il faut en croire les Mémoires d’outre-tombe, à la naissance de Chateaubriand sur le rocher de Saint-Malo).

The call of Noirmoutier

Back numbers of a women’s magazine were placed on three low tables along the corridor ; the female owner of the hotel clearly had a large collection of them, since the stock was replenished every day, as I realised later. My room had two windows with a view over the flat cement roof of a larger room converted into a restaurant, on the same level as and adjoining the reception hall, but not open at this time of year, for the facts I’m about to relate happened at the beginning of one rainy spring – at least that’s how it was on the Atlantic coast – in the early years of the 21st century. To be more precise, at the time when a medium-sized protest movement, but remarkably tenacious, set in motion by the draft of an apparently fairly harmless bill, seemed likely not only to bring about the downfall of the government, but also that of the whole political system established nearly fifty years previously and known as the Vth Republic (at least this was my analysis of these events at the time – and as we’ll see later, the same analysis also explains my presence out of season in a discreet hotel on the island of Noirmoutier). On that particular evening, the top of a mimosa tree was swaying more and more rapidly over the flat cement roof of the restaurant. The mimosa was in bloom, and what the ever-increasing swaying of this downy, feathered treetop the colour of a one-day old chick indicated was that the wind blowing in from the sea was freshening, conferring a dramatic unrest on the whole of the surrounding landscape, or at least its more mobile elements. The same kind of unrest prevailed at Chateaubriand’s birth on the Rocher de Saint Malo, if we are to believe his Mémoires d’outre-tombe.

Traduit du français par Delia Morris