Extrait revue meet n°05

Berlin / Caracas

SALVADOR GARMENDIA

Mémoires d’Altagracia

Ces jours de Juillet où, l’école mystérieusement fermée, il n’y a rien à faire, la maison commence à s’agrandir en tous sens. Ce grand corps blessé s’anime de frémissements et manifeste des symptômes vitaux des plus angoissants. Il peut, à tout moment, décider de se relever dans un long effort d’animal boiteux, pliant ses articulations desséchées, étirant ses os et ses vieilles chairs ridées. On voit des bras apparaître sur les côtés, longues et sombres cavités où la poussière qui recouvre les bois forme une couche tendre comme les franges d’un habit de fête, surtout dans celles qui, entourées d’ombre et d’humidité, fermentent dans les coins ou s’écrasent dans la profondeur sans air d’un effondrement de meubles disloqués. Quand on y pénètre, elles découvrent l’une après l’autre, telles les pelures d’un bulbe, leurs couches intérieures : couches de terre fraîche, de toiles et de bois pourris qui cèdent facilement et qui, en dévoilant leur face cachée, rendent fous de peur des milliers de vers minuscules.

Traduit de l’espagnol (Venezuela) par Françoise Garnier

Memorias de Altagracia

En esos días de julio, sin nada qué hacer, con la escuela misteriosamente cerrada, la casa comienza a ensancharse por todos lados. Aquel cuerpo grande y lastimado se cubre de pálpitos y manifiesta los más angustiados síntomas de vida. Es posible que en cualquier momento pretenda enderezarse en un esfuerzo retardado de animal renco, encogiendo las articulaciones secas, estirando los huesos y las viejas carnes arrugadas. Se le ven salir brazos por los lados, cavidades largas y osuras donde el polvo que cubre las maderas es una capa tierna como las orlas de un traje de fiesta, y sobre todo aquellas rodeadas de sombra y humedad que fermentan en los rincones o se aplastan en la profundidad sin aire de un derrumbe de muebles desclavados. Al penetrarlas, ellas van descubriendo sus capas interiores, una tras otra, como los hollejos de un fruto bulboso : capas de barro fresco, de telas y maderas podridas que ceden fácilmente y al exponer su lado oculto enloquecen de miedo millares de gusanos diminutos.

PETER RÜHMKORF

Vœu pieux

J’me souhaite au ciel une place
(même si c’est demander la lune)
près d’Bellman, Benn et Ringelnatz
et voudrais qu’ils disent une seule phrase
d’un seul souffle, une seule phrase, une :
prends place !

Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre

Frommer Wunsch

Wünsch mir im Himmel einen Platz
(auch wenn die Balken brächen)
bei Bellman, Benn und Ringelnatz
und wünschte, daß sie einen Satz
in einem Atem sprächen :
nimm Platz !